PRUNE PHI

✦          PAST    Musée du Jeu de Paume, Paris (FR)            ✦          PAST    Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône (FR)            ✦          PAST    Hessel Museum of Contemporary Arts, Annandale-on-Hudson (USA)            ✦          PAST    Workshop at L’École media art du Grand Chalon (e|m|a), Chalon-sur-Saône (FR)            ✦          PAST    Musée du Jeu de Paume, Paris (FR)            ✦          PAST    Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône (FR)            ✦          PAST    Hessel Museum of Contemporary Arts, Annandale-on-Hudson (USA)            ✦          PAST    Workshop at L’École media art du Grand Chalon (e|m|a), Chalon-sur-Saône (FR)           

⤶ TEXTS

La photographie contemporaine vietnamienne et la mémoire, Sélection d’œuvres d’artistes contemporains vietnamiens ou de la diaspora travaillant leur Histoire

Blanche Cardoner
Extrait de Mémoire de recherche en histoire de l'art appliquée aux collections présenté sous la direction de Michel Poivert et de Mme Dominique de Font-Reaulx
2019 (FR)
Prune PHI_Food is love (2018) ©Prune Phi

Food is love (2018) ©Prune Phi

« Prune Phi, jeune artiste française, consacre aussi une série à la question de l'absence de communication dans la diaspora vietnamienne. Issue de la troisième génération de l'immigration, elle côtoie la culture vietnamienne essentiellement par son grand-père, Vietnamien venu en France en 1953 pour ses études.

Un jour, au détour d'une conversation avec sa grand-mère, elle prend conscience qu'elle ne connaît pas une partie de la famille paternelle qui vit aux États-Unis. Elle décide de partir à leur rencontre. Son voyage-enquête de cinq mois dans sa famille Vietnamienne-Américaine est le point de départ du projet A Long Distance Call (2016 – 2017). Elle tire de son séjour des dizaines de collages qui forment ensuite différentes œuvres selon les installations qu'elle en fait.

Dans ses installations, Prune Phi nous invite à tisser des histoires en relation avec les associations et les symboliques que l'on trouve dans la mosaïque de collages. Ces derniers sont construits à partir d'images trouvées dans des publicités et des magazines ainsi qu'avec les photographies qu'elle prend elle même. Elle ne réussit d'ailleurs qu'à photographier sa famille lors de repas ou d'événements particuliers, ce qui rapproche ses œuvres d'un véritable album de famille. Les images poétiques et pleines de sens qu'elle compose racontent le métissage culturel et l'absence de communication. En effet, sa famille ne souhaite pas parler de leur passé, ni de la guerre, ni de leur fuite. Mais Prune Phi découvre d'autres manières de transmettre.

« Food is love » : la nourriture est l'un des premiers biais. L'artiste met également en avant l'importance du regard dans la communication non-verbale. « Quand il y a a des silences, il y a d'autres choses qui passent par le corps et par les regards ». Point central, absent ou caché, le regard crée une unité dans les travaux, de la même manière que la palette coloré (rouge, noir, gris, doré).”

Le travail de Prune Phi sur la diaspora vietnamienne vient mettre en évidence que cette diaspora partage avec les Vietnamiens du pays les mêmes difficultés à évoquer leur histoire. La nécessité d'explorer et de réactiver une mémoire oubliée ou cachée est commune aux œuvres des artistes que nous avons évoqués. La photographie vernaculaire semble être, pour cela, une porte d'entrée vers le passé. En tant que témoin matériel d'une époque, d'un espace et de personnes disparues, elle est un matériel allégorique crucial et inspirateur du geste créatif. Les việt kiều, en particulier, apportent une attention particulière à ces reliques du passé.

La série de Bảo Vương montre bien la valeur qu'elles ont et la façon dont elles incarnent notre mémoire. On comprend, avec les recherches de Quynh Lam et de Prune Phi, que l'incompréhension autour de l'Histoire est commune à l'ensemble des vietnamiens qu'ils soient locaux ou de la diaspora. Les œuvres de Quynh Lam et Ɖinh Q. Lê mettent en avant la dimension politique de la mémoire. Elles montrent la manipulation du discours historique qui a fait, de la possession de ces photographies vernaculaires de familles ordinaires du Sud-Viêt Nam ou de réfugiés, un « acte de résistance ». Diaspora et locaux gardent leur passé tabou en réaction au récit dominant du régime mais aussi en raison d'une véritable culture du silence. Il ne faut ni perdre la face, ni remuer les horreurs du passé. Les artistes rétablissent et commémorent, par leur pratique artistique, la mémoire du peuple vietnamien incarnée par la photographie vernaculaire. »

“Prune Phi, a young French artist, also devotes a series to the question of the lack of communication within the Vietnamese diaspora. As part of the third generation of immigration, her main connection to Vietnamese culture is through her grandfather, a Vietnamese man who came to France in 1953 to study.

One day, during a conversation with her grandmother, she realizes she doesn’t know part of her paternal family who lives in the United States. She decides to go meet them. Her five-month investigative journey with her Vietnamese-American relatives becomes the starting point for the project A Long Distance Call (2016–2017). From that trip, she creates dozens of collages that later take different forms depending on the installation.

In her installations, Prune Phi invites us to weave stories through the associations and symbolic elements found in her mosaic-like collages. These are built from images found in advertisements and magazines, as well as photographs she takes herself. In fact, she only manages to photograph her family during meals or special events, which brings her work closer to a true family album. The poetic and meaningful images she composes speak of cultural blending and the absence of communication. Her family doesn’t wish to talk about the past, the war, or their escape. But Prune Phi discovers other ways to transmit memory.

“Food is love”: food becomes one of the first entry points. The artist also highlights the importance of the gaze in non-verbal communication. “When there is silence, other things come through the body and through looks.” Central, absent, or hidden, the gaze creates a thread of unity throughout her work, just like her color palette (red, black, gray, gold).”

Prune Phi’s work on the Vietnamese diaspora brings to light that this diaspora shares with Vietnamese people in the homeland the same difficulty in talking about their history. The need to explore and reactivate a forgotten or hidden memory is a common thread in the work of the artists we’ve mentioned. Vernacular photography seems to be, in this process, a gateway to the past. As a material witness to a time, a space, and people who have disappeared, it becomes a crucial allegorical substance that inspires creative gesture. The Việt Kiều, in particular, pay special attention to these relics of the past.

Bảo Vương’s series clearly shows the value these images hold and the way they embody our memory. Through the work of Quynh Lam and Prune Phi, we understand that the confusion around History is shared among Vietnamese people everywhere, whether local or from the diaspora. The works of Quynh Lam and Ɖinh Q. Lê highlight the political dimension of memory. They reveal how the manipulation of historical narratives has made the possession of these vernacular photographs of ordinary South Vietnamese families or refugees into an “act of resistance.” Both diaspora communities and locals keep their past hidden in response to the dominant state narrative, but also because of a true culture of silence. One must not lose face, nor stir up past horrors. Through their artistic practice, these artists restore and commemorate the memory of the Vietnamese people as embodied in vernacular photography.”