PRUNE PHI

✦          PAST    Musée du Jeu de Paume, Paris (FR)            ✦          PAST    Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône (FR)            ✦          PAST    Hessel Museum of Contemporary Arts, Annandale-on-Hudson (USA)            ✦          PAST    Workshop at L’École media art du Grand Chalon (e|m|a), Chalon-sur-Saône (FR)            ✦          PAST    Musée du Jeu de Paume, Paris (FR)            ✦          PAST    Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône (FR)            ✦          PAST    Hessel Museum of Contemporary Arts, Annandale-on-Hudson (USA)            ✦          PAST    Workshop at L’École media art du Grand Chalon (e|m|a), Chalon-sur-Saône (FR)           

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Interview with Đỗ Tường Linh

Extrait de la Revue Sève N°2 Fantômes À propos de Otherworld Communication, Prune Phi en conversation avec Đỗ Tường Linh
2023(FR/EN)
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Prune Phi_Long distance call, XOXO exhibition, Friche la Belle de mai (2022)

Long distance call, XOXO exhibition, Friche la Belle de mai (2022) ©Tal Yaron

« Linh : Je crois que nous nous sommes rencontrées pour la première fois grâce à Hanin Salama, la designer d’objets vietnamo-palestinienne. Comment as-tu connu Hanin ?

Prune : J’ai rencontré Hanin par l’intermédiaire d’un·e ami·e, au début du projet Appel Manqué en 2018 à Toulouse. Hanin et moi avions beaucoup de choses à partager. Nous avons discuté de ce qui était lié à notre culture vietnamienne de près ou de loin, de ce dont nous avions hérité et de ce dont nous nous sentions détachées. Elle est la fondatrice des Ateliers Sahin, influencée par les céramiques vietnamiennes traditionnelles, notamment celles fabriquées dans la ville de Bát Tràng. Elle m’a fait découvrir ton travail alors que j’envisageais de me rendre au Viêt Nam.

À ce moment-là, je cherchais des personnes qui étaient, comme moi, d’origine vietnamienne et qui voulaient partager leurs histoires et expériences sur la transmission culturelle intergénérationnelle ou son absence. Parallèlement, je travaillais avec des neuroscientifiques spécialisé·es dans les post-traumatismes et les faux souvenirs. Par la collecte d’histoires, les rencontres, et une enquête scientifique sur les mécanismes de transmission au niveau biologique et psychologique,

un récit commun a commencé à se construire et à légitimer cette perte et cette reconstruction. En croisant ces éléments, je me suis retrouvée à créer une nouvelle histoire plutôt qu’à la documenter par le biais de collages.

Linh : Comment tes projets précédents t’ont-ils amenée à te pencher sur ton héritage culturel ? D’après mon expérience, la difficulté pour les artistes issu·es de la diaspora vietnamienne et de différents pays est qu’iels doivent s’assimiler et s’engager dans leur héritage, mais iels peuvent aussi parfois le rejeter. Quel a été l’impact de ton séjour au Viêt Nam sur toi et ton travail ?

Prune : C’est une question très vaste. J’ai l’impression que beaucoup d’artistes issu·es de diasporas passent par ce type de recherche. J’ai toujours été intéressée par la transmission entre les générations et par la façon dont la mémoire fonctionne au niveau individuel et collectif.

Cela a culminé pour moi avec le décès de mon grand-père paternel Binh, avec lequel une grande partie de notre histoire familiale a disparu. Grâce à ma grand- mère Suzanne, j’ai pu me reconnecter avec la partie vietnamienne de notre famille aux États-Unis, ce qui a été le point de départ de mon projet Long Distance Call (2017-2018). Le voyage de cinq mois là-bas a été le début de cette recherche à long terme et une étape nécessaire dans ma pratique. Cela m’a permis de reconstruire non seulement une partie de mon histoire, et partiellement celle d’une génération de descendant·es vietnamien·nes à une plus grande échelle.

Cela m’a également permis de réaliser à quel point la mémoire est une chose délicate à transmettre lorsque l’on fait partie d’une génération issue de la diaspora et lorsque que l’on n’a pas vécu le traumatisme directement. Je crois néanmoins que, d’une certaine manière, nous en sommes génétiquement porteur·euses. Pour moi, les traumatismes générationnels laissent des traces dans nos corps au fil du temps, comme si nous portions en nous leurs présences invisibles. J’ai été particulièrement influencée par les théories que la psychologue Anne Ancelin Schützenberger développe dans Aïe Mes Aïeux sur la façon dont la thérapie transgénérationnelle et la psychogénéalogie peuvent apaiser ces traumatismes transmis.

Dans ma famille américaine, il s’agissait de se comprendre et d’accepter de longs silences, avec de temps en temps le partage de certaines bribes de parcours personnels. En me rapprochant de personnes de mon âge, la parole était plus libre et j’ai passé la plupart de mon temps avec les membres des associations d’étudiant·es vietnamien·nes de De Anza College et de Berkeley ou à faire du bénévolat avec le Réseau international d’aide aux enfants (ICAN) basé à San Jose en Californie. À travers ces expériences, j’ai constaté que tout le monde ressentait un réel besoin de modifier et de revendiquer ce récit à sa manière, même au sein de leurs communautés respectives.

À mon retour en France, cette question de la transmission aux jeunes générations et de la manière dont elles se placent dans leur communauté est devenue cruciale à développer. Cela a marqué le début de mes projets Appel Manqué à Toulouse (2018) et plus tard Hang Up au Vietnam (2019-). J’avais besoin d’explorer ces questions avant de pouvoir apporter ces investigations au Vietnam. Je n’ai plus de famille là-bas et j’avais l’impression que retourner dans un pays d’où mes ancêtres sont parti·es définitivement était difficile. Mon grand-père n’a jamais pu retourner au Viêt Nam car, je crois, que c’était une idée trop effrayante. Il est parti à l’adolescence pour se rendre en France et y a vécu par ses propres moyens. Laisser derrière lui tout ce qu’il connaissait a dû être aussi terrifiant que l’idée d’y retourner. Je sais qu’il a quitté le Viêt Nam par Saïgon et lorsque je suis arrivée à l’aéroport international de Tân Sơn Nhất, j’ai eu l’impression de le ramener avec moi, ce qui a suscité des émotions intenses. D’une certaine manière, je le comprenais, même si le pays avait complètement changé. C’était conflictuel et parfois je sentais que ce n’était pas ma place d’être là, mais c’était nécessaire pour lui rendre hommage.

Linh : Qu’est-ce qui t’as amenée à t’intéresser à l’art, quand cet intérêt est-il né et pourquoi as-tu eu envie de devenir artiste ?

Prune : Quand j’étais jeune, je dessinais beaucoup. J’étais attirée par le fonctionnement du vivant et l’un de mes livres préférés était VU, dictionnaire visuel pour tous édité par Gallimard Jeunesse. En particulier les chapitres consacrés aux mécanismes du corps, qui détaillent l’organisation de la vie au niveau biologique et les opérations invisibles qui s’y déroulent. Cette fascination m’a accompagnée jusqu’au lycée où j’ai opté pour la biologie avec une option en arts visuels, que je complétais par des cours de photographie. J’ai ensuite étudié les arts plastiques à l’université du Mirail, à Toulouse, et au Birmingham Institute of Arts and Design, au Royaume-Uni, où j’ai réalisé que la photographie était un élément essentiel de mon travail d’installation. J’ai ensuite suivi les cours de l’École Nationale de la Photographie d’Arles pour approfondir l’utilisation des images dans ma pratique. Je ne m’intéressais pas tant à ses aspects techniques mais à la manière dont l’image peut être un outil pour comprendre et transformer le monde.

Linh : Y a-t-il des artistes qui ont inspiré ton travail à cette époque ?

Prune : J’étais et je suis toujours intéressée par des artistes comme Bogdan Smith, Julien Creuset, Kapwani Kiwanga, Kent Monkman, ou Zineb Sedira qui ont une approche politique, poétique ou anthropologique de l’art avec des sujets comme l’identité culturelle, la déconstruction de la mémoire, de l’histoire ou des images.

Linh : Peux-tu nous parler de ton récent projet Otherworld Communication (2020-) et de ses ramifications dans ta pratique ?

Prune : Mon travail trouve son origine dans des fragments anecdotiques entendus ou vécus. De plus en plus, mes sujets tendent à se tourner vers l’extérieur, au croisement du commun reliant les gens entre elleux. Avec Otherworld Communication, j’ai voulu travailler différemment mon rapport à l’image car j’ai senti qu’un grand chapitre se fermait avec mes trois derniers projets, même s’il est aussi question de mettre en scène leur disparition d’une certaine manière. Une nouvelle phase de ma pratique a commencé lorsque j’ai eu un atelier pour la première fois à La Friche La Belle de Mai (2020) et ensuite à Artagon (2021-22) à Marseille. Je pouvais enfin donner forme à des sculptures tridimensionnelles plus grandes. J’ai été plus audacieuse et expérimentale dans la construction de mes formes.

Linh : La communication avec l’autre monde fait référence au monde spirituel et à des pratiques très populaires au Viêt Nam. Peux-tu nous expliquer d’où cela vient ? As-tu été inspirée par tes souvenirs d’enfance en France ou par ton voyage au Vietnam ?

Prune : Lorsque je suis allée au Vietnam pour la résidence à La Villa Saïgon début 2020, j’étais à la recherche de ce qui me reliait à mes grands-parents. Je suis tombée par hasard sur un magasin spécialisé dans les offrandes pour les morts. Mon grand-père avait organisé un autel pour nos ancêtres où il disposait des offrandes en papier, des fruits, des plats cuisinés et de l’alcool. Lorsqu’il est décédé en 2010, nous avons brûlé de la fausse monnaie pour lui. Le Hell Money ou Joss paper, que l’on peut traduire par l’argent des enfers, se trouve facilement dans les supermarchés asiatiques en France. La communication avec l’autre monde a émergé à nouveau lorsque ma grand-mère est décédée après ma résidence en 2020. Je me suis interrogée sur la manière de gérer la perte d’une personne lorsque la communication est rompue. Le fait d’avoir rapporté des offrandes du Viêt Nam m’a rappelé comment nous avons fait face à la perte de mon grand-père à l’époque.

J’ai voulu reproduire ce processus pour ma grand-mère, ce qui m’a donné envie de reconstruire et de déplacer cette tradition pour moi-même et pour d’autres, en retraçant son évolution sur les deux hémisphères. Ce qui m’a vraiment frappé, c’est la diversité des objets en papier que l’on trouve au Vietnam et qui n’existent ni en France ni aux États-Unis. Dans Burning money, Fred Blake étudie les aspects sociologiques et historiques de ces objets et l’origine de cette tradition. Le Joss paper a été importée avec la colonisation chinoise du Vietnam. D’un simple carré de papier recouvert d’or ou d’argent pour imiter une monnaie utilisée dans l’au-delà, il s’est transformé en billet de banque chinois ou billet de dollar américain, l’histoire de la colonisation et de la socialisation a digéré la coutume à sa manière pour représenter les formes contemporaines de richesse. La forme que nous connaissons en Occident est probablement liée aux biens avec lesquels les diasporas ont traversé le monde. Ici, c’est comme si leur forme était figée dans le temps, alors qu’au Vietnam, elle est passée à un autre niveau !

« Aujourd’hui, les offrandes peuvent être d’autres objets de valeur tels que des sacs à main Louis Vuitton, des vêtements Nike, des scooters Honda ou des objets technologiques Apple, tous fabriqués en papier et reflétant l’extravagance du capitalisme. »

J’ai pu discuter avec mes ami·es au Vietnam du fait que si l’on croit que l’objet disparaît ici par le feu pour se rematérialiser dans l’autre monde, l’envoi d’un smartphone pose immédiatement la question de la capacité des esprits à l’utiliser. Il suscite donc aussi l’espoir d’une réponse de leur part. De là m’est venue l’idée d’une entreprise fictive oscillant entre une société de communication, un bureau administratif et une réception psychique reliant notre monde à l’autre. Il ne s’agit plus de savoir quels objets matériels feraient plaisir à nos ancêtres dans l’au-delà, mais de trouver de nouveaux moyens de se connecter avec elleux à un autre niveau ; de prendre soin de ces présences invisibles et de nous-mêmes aussi, en brûlant des représentations technologiques en papier. Cette mise en contact avec un monde entre-deux fait écho au roman Ubik de Philip K. Dick dans lequel il est possible de maintenir le corps et l’esprit dans un état de demi-vie au sein de moratoriums. On peut alors poursuivre des conversations jusqu’à ce que la transmission s’éteigne complètement. Dans Otherworld Communication, il s’agit aussi d’un processus incertain et continu qui touche aux domaines de la sociologie et de la psychologie en soulevant des questions plutôt qu’en donnant des réponses. Avec Otherworld Communication, j’essaie de mettre en évidence notre incapacité occidentale à traiter le deuil comme un moment de transition apaisée.

Linh : Dans notre culture bouddhiste, ou en tant que mouvement philosophique, il est question de détachement. On abandonne ce qu’il reste de la guerre, le monde matériel pour se concentrer sur un aspect très spirituel des choses : le moi intérieur et la paix intérieure. Je trouve très ironique cette pratique qui consiste à renvoyer des objets matériels à ses ancêtres. En regardant ton travail, certaines formes et certains éléments que tu utilises dans les installations d’Otherworld Communication m’intriguent beaucoup. Où as-tu puisé l’inspiration des motifs employés ? J’y vois des références historiques, mais aussi une influence spatiale et futuriste. J’ai souvent l’impression que la représentation de l’Asie, de l’»orientalisme» et d’autres cultures dans un contexte européen peut se transformer en un cliché très exotique. L’orientalisme vietnamien est toujours le «zen» ou encore représenté par des femmes vietnamiennes vêtues de Áo dài, les robes traditionnelles. Par ailleurs, grâce aux réseaux sociaux, le monde numérique dans lequel vivent les jeunes générations développe un nouveau type de communication qui s’accompagne de certains types de représentations. Peux-tu nous en parler ?

Prune : Les performances et les installations sont imaginées comme des scènes de films. Récemment, j’ai regardé le film fantastique The Portable Door de Jeffrey Walker où un jeune homme trouve du travail dans une mystérieuse entreprise magique de Londres. À un moment, il y a une scène assez courte mais fascinante où le personnage principal traverse un tunnel de néon sombre menant à la «Banque des morts» dont le slogan est : «vous êtes notre investissement». Là, une figure âgée féminine asiatique aux oreilles pointues incarne l’employée administrative «teller 42» chargée de certifier les documents depuis son bureau protégé par une vitre. La lumière est froide et tamisée, si bien que l’on distingue à peine son visage. Elle saisit le tampon approprié parmi la grande collection alignée sur les étagères derrière elle pour valider ou rejeter les lettres qui viennent d’être déposées. J’aime cette énergie étrange et lointaine que j’essaie de transmettre par le biais d’Otherworld Communication. La scénographie, faite de rideaux ondulés en satin violet et de lumière froide, enveloppe le public et l’aide à prendre part au scénario que je lui propose.

Des films comme eXistenZ, Ghost, The Wailing, the Sixth Sense ou Total Recall m’ont également nourrie. La version 2012 de Total Recall de Len Wiseman se concentre sur une société nommée Rekall qui, soit dit en passant, est dirigée par des personnes asio-étiquetées, dont le but est d’inventer des souvenirs d’événements que vous n’avez jamais vécus. L’un.e des opérateur·ices du film déclare «Racontez-nous votre fantasme, nous vous rendrons votre mémoire» avec un tatouage “tribal” très visible sur son cou, un motif qui est à questionner au regard de l’histoire des symboles non eurocentrés.

Dans le film Ghost, Jerry Zucker a imaginé un cadre très stéréotypé pour Whoopi Goldberg, une médium capable de communiquer avec les défunts. Son cabinet de consultation est décoré de rideaux de perles sur les fenêtres, de papier peint floral, de bougies et d’une boule de cristal. Néanmoins, elle représente une puissante figure féminine de transition et transmission qui a la capacité de rapprocher les mondes et de transmettre des messages, voire d’incarner la personne absente, ce qui est très inspirant. Dans ces films, la technologie est présentée entre un état physique et immatériel, les écrans deviennent des projections tactiles et transparentes ou sont directement insérés dans le corps. Sinon, le corps lui-même est littéralement considéré comme le dispositif permettant de relier des mondes ou des entités.

« Les communicateur·ices, qu’iels soient voyant·es stéréotypé.es ou beaucoup plus futuristes dans l’utilisation de technologies, sont souvent représenté·es comme des personnes de couleur. Iels caricaturent les origines de la magie mystique ancienne comme s’il s’agissait toujours d’un ailleurs exotique. »

Lorsque j’ai réfléchi à la finalité des messages collectés d’Otherworld Communication, je trouvais important que les archives soient une expérience physique en mouvement. Je voulais que les sculptures diffusant les messages existent dans l’espace plutôt qu’au mur, qu’elles soient matérielles même s’il s’agissait de vidéos. J’ai imaginé un écran diffusant les offrandes des client·es activées par le feu dans un enregistrement de type publicitaire. L’écran est appuyé sur un support géant en bois noir à la forme étrange. D’une certaine manière, l’installation devait faire référence à l’autel des ancêtres. À cet égard, j’ai reproduit un porte-assiette à une échelle beaucoup plus grande. Je me suis inspiré des objets que j’ai récupérés lorsque nous avons vidé la maison de ma grand-mère après son décès. Elle avait beaucoup d’objets qu’elle gardait précieusement dans des vitrines et qui m’ont inconsciemment accompagné dans mon enfance, la plupart d’entre eux faisant référence au Viêt Nam. Je suis très attachée aux objets et aux sentiments qui y sont projetés, comme s’ils étaient porteurs de pouvoirs magiques. Plutôt que de me concentrer sur ces objets précieux, ce qui a attiré mon attention, c’est cette chose commune et bon marché : le porte-assiette, dont le but est d’élever l’objet qu’il soutient. La forme de mes sculptures fait aussi référence à la forme donnée aux flammes dans les représentations bouddhistes de l’au-delà. Ce style spécifique de flammes est enraciné dans la spiritualité et omniprésent dans les architectures et les décors des temples. Le feu y représente souvent les épreuves, les conséquences et les verdicts des jugements rendus dans l’au-delà pour accéder à certains niveaux de paradis ou d’enfers. De nos jours, cette stylisation du symbole de la flamme en Occident fait référence à la mode des années 2000, au tuning automobile et à la culture underground. Je crois vraiment que le sens s’est perdu et qu’il faut y revenir. Il est important de réaliser que ces manières de représenter existaient bien avant ces appropriations dans d’autres cultures. C’est pourquoi le support de l’écran s’en inspire mais est aussi devenu monstrueux : il est passé d’un objet que personne ne remarque à une entité géante avec des déformations prenant l’espace, des formes que l’on peut interpréter comme des griffes, des racines, l’ombre de quelqu’un·e ou une créature mythique hybride.

Linh : Je ne suis pas une experte en religion ou en spiritualité et je ne sais pas si tu en as fait l’expérience toi-même, mais je pense qu’au Viêt Nam et dans d’autres cultures asiatiques, il existe de nombreuses nuances en ce qui concerne les fantômes. Il y a les fantômes des ancêtres : celleux pour lesquel·les nous faisons des autels et que nous célébrons chaque année le jour des morts avec de grandes cérémonies et des funérailles. Il y a les fantômes des lieux hantés, où l’on sent des énergies émaner de l’intérieur. Il y a des fantômes dont l’âme peut entrer dans le corps de quelqu’un pendant les rituels pour s’exprimer. Dans la culture vietnamienne, la célébration la plus importante est le nouvel an lunaire, mais la deuxième plus importante est la nouvelle lune de juillet, également appelée le mois des fantômes affamés. Pendant ce mois, les âmes qui tentent de se réincarner dans une nouvelle vie sont présentes dans le monde réel et nous nous impliquons dans des œuvres de charité, des prières et des offrandes afin d’aider à libérer leurs âmes. Je ne sais pas si les communautés vietnamiennes célèbrent cette fête en France ? Il y a tant d’autres variantes de fantômes dans les différentes religions et ethnies vietnamiennes qui ont chacune leur propre façon de voir les choses. Avec ton éducation dans un monde occidental orienté vers la science, la spiritualité ou la religion peuvent parfois devenir de simples superstitions, alors qu’en Asie, il y a plus de stigmates autour d’elles. Tu as mentionné que, dans ton enfance, ton grand-père te racontait des histoires de fantômes. De quoi s’agit-il ? En as-tu rencontré pendant ton séjour au Viêt Nam ?

Prune : Le nouvel an lunaire est célébré dans toutes les communautés vietnamiennes de France mais je ne pense pas que le mois des fantômes affamés soit observé partout, en tout cas, pas dans ma famille. Mon grand-père Binh était une personne discrète. Il cuisinait des plats vietnamiens et nous racontait des histoires de fantômes. C’est ainsi que j’ai pu voir le Viêt Nam à travers ses yeux. Son histoire préférée était celle de son trajet pour se rendre à l’école lorsqu’il vivait dans la province de Kim Son, dans le nord-est du Viêt Nam. Enfant, il était convaincu que des fantômes le terrorisaient en secouant les tiges de bambous dans les champs bordant la route. Je me demande s’il n’y a pas une part de superstition aussi, sur le fait que les ancêtres, s’iels ne sont pas content·es, pourraient jouer des tours aux vivant·es. En ce sens, l’autel domestique pourrait être vu comme une sorte de portail de transfert et d’apaisement. Je ne me souviens pas que mon grand-père m’ait expliqué ce que nous devions en faire précisément, en dehors des offrandes évidentes de nourriture et de boissons, toujours fraîches et joliment disposées. La transmission du bouddhisme du côté paternel a donc été succincte. Du côté maternel, nous avons eu droit à une éducation catholique et la navigation entre les deux était déroutante en tant qu’enfant. C’est vrai que j’ai l’impression que la foi est liée à la religion en France, alors que les racines des croyances vietnamiennes viennent d’un autre endroit. Par exemple, pour moi, le culte des ancêtres est envisagé comme une philosophie ou une tradition transgénérationnelle détachée d’une croyance religieuse. Il s’agit d’une attention mutuelle liée à des pensées quotidiennes ou à des gestes simples honorant celleux qui étaient là avant nous.

Dans ma famille aux États-Unis, les histoires du passé étaient gardées secrètes, tandis que la spiritualité était très importante et transmise ouvertement. Nous allions au temple bouddhiste, nous méditions et nous parlions souvent de réincarnation. Nous discutions du rôle de l’au-delà, des moyens de l’atteindre et de la manière d’apaiser les esprits. J’ai encore beaucoup à apprendre à ce sujet. Lorsque j’étais au Viêt Nam, une de mes amies fêtait l’anniversaire de la mort de son père et elle m’a invitée à partager ce moment avec sa famille. C’était la première fois que je voyais comment on célèbre des personnes qui ne sont plus là physiquement et comment cette absence peut aussi être un moment de joie. Tôt le matin, nous sommes allées au marché pour rassembler tout ce qui était nécessaire à la cérémonie. Nous avons chanté devant son portrait sur l’autel familial, puis nous avons brûlé des offrandes devant leur maison avant de partager un déjeuner fait maison.

On m’a récemment recommandé de regarder Island of the Hungry Ghosts à ce sujet, un docu-fiction de 2018 réalisé par Gabrielle Brady. L’histoire se déroule sur l’île de Christmas où nous suivons Poh Lin Lee, une thérapeute spécialisée en traumatologie, entre son travail au centre de détention avec les demandeur·euses d’asile et sa vie de famille. Un parallèle est fait avec la migration des crabes rouges qui sont si prolifiques qu’ils semblent recouvrir tout le sol de l’île. Là-bas, les fantômes de celleux qui y ont perdu la vie ne peuvent se réincarner en paix. Les personnes issues de l’immigration chinoise et leurs descendant·es s’occupent de ces âmes errantes en organisant des rituels au cours desquels iels brûlent des offrandes pour celleux qui n’ont pas eu de sépulture digne de ce nom. Un lien est également établi entre les moyens mis en œuvre pour protéger les crustacés et la manière dont Poh Lin tente d’aider ses patient·es en dépit des lourdeurs de la bureaucratie politique. J’ai été très émue par la façon dont Poh Lin explique à ses filles que les offrandes sont nécessaires pour «nourrir» les présences invisibles coincées entre ce monde et l’autre. Le rôle qu’elle joue en créant un pont entre les contextes et les réalités sociales afin de transmettre des messages par voie orale est très puissant.

Linh : Le projet Otherworld Communication a été exposé et joué en France. Peux- tu nous parler de tes interactions avec le public ? Tu recueilles également des données auprès des personnes qui participent au projet. Combien de personnes ont participé jusqu’à présent ? La représentation est individuelle, ce qui signifie que tu dois beaucoup t’engager auprès de chaque personne ?

Prune : Jusqu’à présent, j’ai performé trois fois en France : lors d’une nuit d’événements du Festival Parallèle à Artagon Marseille, à Reflet Machine à Paris et au Magasin CNAC à Grenoble dans le cadre de l’exposition La Position de l’Amour. À chaque itération, l’opérateur·trice reçoit les client·es pendant plusieurs heures d’affilée et les rendez-vous se succèdent. Environ 80 client·es ont bénéficié des services d’Otherworld Communication depuis sa création.

La performance est un rendez-vous individuel qui dure entre 10 et 15 minutes. J’y incarne un·e opérateur·trice de la société Otherworld Communication qui travaille avec des client·es souhaitant entamer une communication avec un·e être cher·e disparu·e. Les client·es commencent par s’installer dans une salle d’attente où iels doivent compléter un formulaire sur lequel est inscrit : «si vous deviez envoyer un texto à une personne passée dans l’au-delà, que lui diriez-vous ?” Ensuite, le·la client·e est accueilli·e dans le bureau de l’opérateur·trice qui tape, imprime, découpe, plie et assemble les pièces pour que l’offrande ait la forme exacte d’un smartphone futuriste en trois dimensions sur lequel est inscrit le message. Au cours de cette procédure, le·la client·e et l’opérateur·trice ont une conversation qu’iels seul·es peuvent connaître. Le·la client·e repart avec l’objet et l’active par la suite en le brûlant au moment opportun, à l’occasion d’une date anniversaire ou dans un lieu qui fait sens par exemple. À la fin de la performance, l’opérateur·trice propose un contrat servant d’accord de divulgation permettant aux client·es d’accepter ou de refuser l’archivage de son message dans la base de données anonyme d’Otherworld Communication. Cela permet ensuite à l’entreprise de reconstituer des offrandes qui seront réactivées dans de futures vidéos et de les présenter sous forme d’installations lors d’expositions. Ce processus d’alternance entre performance et archivage vidéo permet au projet de grandir au cours du temps.

Les émotions que je reçois du public sont intenses. Certaines personnes déposent des messages très légers qui ne font qu’expérimenter l’objet de la performance. Certains messages sont très poétiques ou énigmatiques et n’ont de sens que pour le·la client·e. Pendant l’étape de fabrication, nous discutons notamment de la manière dont la perte d’un·e être cher·e nous touche et de la manière dont nous y faisons face dans un contexte occidental. De nombreuses personnes me confient qu’elles n’ont jamais abordé ces sujets auparavant, ce qui prouve qu’il existe un réel besoin pour un tel espace et une telle expérience. Je reçois de nombreuses réactions positives de la part des participant·es et les secrets partagés sont très précieux. J’aimerais pouvoir amener cette performance ailleurs, dans d’autres pays, car je suis curieuse des intéractions que cela ferait naître.

Linh : Ton travail a beaucoup à voir avec la mémoire. Je suis curieuse de savoir s’il y a quelque chose dans ta mémoire qui se rapporte à ce que tu savais ou à ce que les gens t’ont dit sur le Viêt Nam ? Par exemple, on peut voir beaucoup de traces coloniales au Viêt Nam dans les architectures françaises, ou même dans la nourriture, comme les baguettes de pain par exemple. Et bien sûr, il y a de nombreuses traces de l’histoire coloniale qui persistent dans la société française. Comment navigues-tu d’un espace à un autre ? Peux-tu nous parler de ce déplacement au sens de “displacement” en anglais ?

Prune : La première fois que je suis allée au Vietnam en 2019, je suis arrivée à Saïgon. Ce qui m’a frappé, c’est que tout était écrasant d’intensité, en mouvement permanent, et que les odeurs étaient si fortes et étrangement familières. J’ai fait une crise de panique les premiers jours. Plein d’odeurs me rappelaient le restaurant de mes grands-parents du sud de la France. La première chose que j’ai mangée a été un Bánh mì, un sandwich vietnamien fait avec de la baguette à la française ou du pâté. Bien sûr, il y a aussi le Phô qui vient du plat français Pot au feu. Beaucoup de plats français ont été réappropriés mais portent encore le poids de l’histoire coloniale. La ville de Saïgon elle-même est semée d’influences coloniales qui se sont complètement intégrées à la culture vietnamienne. Les effets génétiques de l’exposition à l’agent orange sur le corps humain pendant la guerre américaine est une autre conséquence persistante encore aujourd’hui de ce passé colonial. Au Musée de la Guerre, de jeunes adultes souffrant de déformations infligées par ce poison jouent de la musique pour les visiteur.euses étranger.ères. Cela m’a glacé le sang.

« À l’école, en France, on ne nous apprend pratiquement rien sur ce qui s’est réellement passé dans ces colonies. Avec le silence des anciennes générations, j’ai eu l’impression d’avoir été coupée de la réalité et le fait d’être confrontée directement à cette Histoire m’a profondément marquée. »

Au cours de ce premier voyage, j’ai également essayé de trouver le lieu de naissance de mon grand-père au nord-est de Hanoi, ce qui s’est soldé par un échec. En traversant la campagne et ses routes bordées de bambous, je ne voyais que les fantômes dont mon grand-père m’avait parlé. Je me sentais partout comme une touriste, incapable de parler la langue qu’il faut. J’ai tout de même croisé quelques personnes âgées dans la rue ou des propriétaires de restaurant qui m’ont parlé en français, montrant encore un autre aspect du colonialisme à travers le langage.

La deuxième fois que je suis allée au Vietnam était en 2020, dans le cadre du programme de résidence Villa Saïgon dirigé par l’Institut français. Je suis arrivée en mars, au moment où la crise du Covid commençait à avoir des répercussions mondiales. Le fait d’être enfermée là-bas était difficile à gérer émotionnellement. Je vivais le Viêt Nam à travers les fenêtres du bâtiment colonial où je logeais. J’ai eu le temps d’imaginer la vie des colonisateurs français à l’endroit même où je me trouvais. C’était la première fois que je restais aussi longtemps dans un ancien bâtiment colonial français, et j’ai donc ressenti très fortement l’effet perturbateur de l’architecture française imposée. Je n’arrêtais pas de me demander pourquoi ces bâtiments étaient toujours là et n’avaient pas encore été remplacés ?

Linh : Récemment, les questions postcoloniales ont fait l’objet de plus de discussions en France qu’à l’époque de ton enfance. Quelle en est, selon toi, la raison ? Il semble y avoir de l’espace pour des voix plus diverses provenant de cultures différentes. Comment cela affecte-t-il le paysage culturel et artistique ? Te sens-tu empouvoirée par cette évolution ?

Prune : La majorité des références qui m’ont été données pendant mes études concernaient plutôt des artistes qui exploraient leur mythologie personnelle et leur identité dans une géographie euro-centrique. Ce sont des références importantes qui m’ont influencée très tôt comme Kader Attia, Annette Messager, Louise Bourgeois ou Nan Goldin, pour n’en citer que quelques-un·es. Néanmoins, j’étais impatiente de découvrir des artistes issu·es d’autres diasporas contemporain·es qui racontaient des histoires différentes auxquelles je pouvais m’identifier personnellement. Lorsque j’ai travaillé sur mon mémoire de master à Arles, j’ai découvert des artistes comme Yto Barrada, ou des penseurs comme Edouard Glissant, qui sont tout à fait passionnant·es. Pendant mon séjour aux États-Unis, j’ai passé du temps dans les bibliothèques des universités, ce qui m’a permis de me rendre compte que de nombreuses recherches avaient déjà été faites sur les études asiatiques (Asian Studies), les études asio-américaines (Asian-American Studies) ou les études sur l’Asie du Sud-Est (South-East Asian studies). Ce fut un tournant dans ma façon de penser. J’y ai découvert les travaux de Trịnh Thị Minh Hà, cinéaste indépendante et théoricienne féministe postcoloniale, ou de Min Zhou, professeure en sociologie et études asio-américaines, qui a écrit Growing Up American, How Vietnamese Children Adapt to Life in the United States. J’ai également découvert les écrits d’Andrew Lam, auteur et journaliste de East Eats West : Writing in Two Hemispheres, le roman The Sympathizer de Viet Thanh Nguyen, The Best We Could Do de Thi Bui ou le recueil de poèmes Night Sky With Exit Wounds d’Ocean Vuong, qui m’ont tous ouvert les yeux. J’ai vraiment compris ce que les études postcoloniales signifiaient pour ma propre histoire. À cette époque, je développais le projet Long Distance Call, qui remettait en question ma propre légitimité à faire des recherches dans ce domaine. La lecture de tous ces livres, qui se concentrent sur la deuxième ou troisième génération de descendants vietnamien·nes, m’a transformée. L’un d’entre eux développe l’idée que la première génération est celle du traumatisme et du silence, tandis que la deuxième génération doit gérer le traumatisme de ses parents, ce qui développe des difficultés dans sa capacité à s’exprimer sur le passé. La troisième génération, elle, ose poser des questions à ses aînés en creusant dans ce qui a été invisibilisé au fil du temps tout en aillant une distance nécessaire au déplacement de la narration. Je pourrais dire que c’est cela qui m’a empouvoiré. Depuis, j’ai eu la chance de rencontrer des artistes, des conservateur·trices et des chercheur·euses de ma génération, à travers les réseaux sociaux et sur le terrain. Cela m’a permis de confirmer qu’il existe un réel besoin de se connecter à l’échelle mondiale afin de partager des représentations collectives et de mener des discussions constructives.

De plus en plus, les artistes issu·es de la diaspora se voient offrir un espace d’exposition dans les institutions artistiques européennes. La manière dont vous avez réussi à rassembler tant d’artistes vietnamien·nes pour la 12e Biennale de Berlin est très importante. Voir les films et les photos de Diane Severin Nguyen présentés à la Maison Européenne de la Photographie à Paris ou de pouvoir assister aux représentations de Caroline Guiela Nguyen, Emmanuelle Huynh et Eric Minh Cuong Castaing à Marseille est également quelque chose de précieux.

Linh : Comment la première génération diasporique, celle de tes parents, reçoit- elle ton travail ? Je me souviens avoir assisté à Paris à la projection d’un film très controversé intitulé Taste. Le film raconte l’histoire d’un Nigérian qui vit avec quatre femmes âgées dans une maison. Je me souviens que beaucoup de Vietnamien·nes âgé·es de la diaspora étaient présent·es et qu’iels étaient très perturbé·es par l’idée qu’un homme puisse avoir des enfants avec plusieurs femmes. Nous n’avons pas besoin de creuser l’histoire de ta famille, car elle doit être compliquée, mais j’ai entendu dire qu’en général, il y a une grande diaspora vietnamienne en France, en Allemagne, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, qui n’est jamais retournée au Viêt Nam et qui a beaucoup de ressentiments à propos de la guerre et de la mémoire. Comment penses-tu qu’elle aborde ton travail ?

Prune : Comme je traite des histoires de manière fictive ou par le biais de formes narratives, je pense que cela crée une distance convenable pour que les générations plus âgées puissent l’interpréter comme elles le souhaitent. Certain·es aîné·es m’ont posé des questions sur mon expérience familiale ou ont partagé leurs propres histoires. La seule fois où mon travail a été vraiment incompris, c’est pendant Photo Hanoï 2021, lorsque certaines œuvres du projet Hang Up ont été censurées par la police culturelle, qui n’a pas donné de raisons. Néanmoins, j’ai reçu des réactions étonnantes et positives sur Instagram de la part de jeunes vietnamien·nes à propos des quelques œuvres qui étaient encore accrochées au Vincom Center for Contemporary Art à Hanoï.

Peut-être que ce serait différent aux États-Unis. Ma famille n’a jamais été en contact avec mon travail et je ne sais pas comment elle réagirait. Je sais qu’iels ne comprenaient pas tout à fait mes recherches en 2017, même s’iels me soutenaient. Toutes les personnes que j’ai rencontrées jusqu’ici qui enquêtent sur des sujets similaires présentent de nombreuses similitudes dans leurs recherches, où qu’elles se trouvent dans le monde : difficultés à s’exprimer et à partager avec leurs aînés, tabous générationnels et incompréhensions sur des questions contemporaines. C’est finalement de cette manière que nous nous sommes aussi rencontrées avec toi Linh, par le besoin d’interconnexions d’une communauté vietnamienne mondiale qui s’organise sur internet avant d’être une rencontre dans la vie “réelle”. Dans l’ensemble, il existe un fossé entre les expériences et les attentes des générations plus âgées quant à la manière dont leur identité est représentée et ce que la jeune génération a envie de dire sur ses propres expériences. Plus récemment, lorsque j’ai présenté Otherworld Communication, de nombreux descendant·es asio-étiqueté·es de deuxième et troisième générations sont venu·es participer, car iels connaissaient la tradition des offrandes par les ancien·nes, mais ne la pratiquaient pas vraiment elleux-mêmes. L’une des rencontres les plus émouvantes a eu lieu à Grenoble, au Magasin CNAC, lorsqu’un père de famille de première génération originaire d’une ancienne colonie française m’a dit que sa participation à la performance l’avait aidé à faire émerger de nouvelles façons de parler des êtres cher·es décédé·es avec ses enfants. J’ai eu le sentiment que j’avais réussi mon travail. »

Linh: I believe we first met through Hanin Salama, the Vietnamese-Palestinian object designer. How did you come to know Hanin?

Prune: I met Hanin through a friend, at the beginning of the *Appel Manqué* project in 2018 in Toulouse. Hanin and I had a lot to share. We talked about everything that related—closely or loosely—to our Vietnamese culture, about what we had inherited and what we felt detached from. She's the founder of Ateliers Sahin, influenced by traditional Vietnamese ceramics, especially those made in the city of Bát Tràng. She introduced me to your work at a time when I was considering going to Vietnam.

At that point, I was looking for people who, like me, were of Vietnamese descent and wanted to share their stories and experiences about intergenerational cultural transmission—or the lack of it. At the same time, I was working with neuroscientists specializing in post-trauma and false memories. Through collecting stories, meetings, and scientific research into transmission mechanisms on both a biological and psychological level, a shared narrative began to take shape, one that validated both the loss and the reconstruction. By weaving together these elements, I found myself creating a new story rather than simply documenting one—through collage.

Linh: How did your previous projects lead you to explore your cultural heritage? From my experience, the challenge for artists from the Vietnamese diaspora and other countries is that they are expected to assimilate and engage with their heritage—but at times, they also reject it. How did your time in Vietnam impact you and your work?

Prune: That’s a big question. I feel like many artists from diasporic backgrounds go through this kind of research. I’ve always been interested in transmission across generations, and in how memory functions—both individually and collectively.

For me, this came to a head when my paternal grandfather, Binh, passed away, taking a large part of our family history with him. Through my grandmother Suzanne, I was able to reconnect with the Vietnamese side of our family in the United States, which became the starting point for my project Long Distance Call (2017–2018). The five-month trip there marked the beginning of this long-term research and was a necessary step in my practice. It allowed me to reconstruct not only part of my own story, but also, in some way, that of a generation of Vietnamese descendants on a broader scale.

It also made me realize how delicate memory is to transmit when you belong to a diasporic generation and haven’t experienced the trauma directly. I do believe, though, that we somehow carry it genetically. For me, generational trauma leaves traces in our bodies over time, as if we carry invisible presences within us. I was particularly influenced by the theories developed by psychologist Anne Ancelin Schützenberger in Aïe, mes aïeux!, about how transgenerational therapy and psychogenealogy can help soothe inherited trauma.

In my American family, it was a matter of understanding and accepting long silences—occasionally broken by fragments of personal stories. By connecting with people my own age, conversations became freer, and I ended up spending most of my time with members of the Vietnamese Student Associations at De Anza College and Berkeley, or volunteering with the International Children Assistance Network (ICAN) based in San Jose, California. Through these experiences, I noticed that everyone felt a deep need to reshape and reclaim their narrative in their own way—even within their respective communities.

When I returned to France, the question of transmission to younger generations and how they position themselves within their communities became essential to explore. This marked the beginning of my projects Appel Manqué in Toulouse (2018) and later Hang Up in Vietnam (2019–). I needed to explore these questions before taking them to Vietnam. I no longer have family there, and going back to a country my ancestors had left for good felt difficult. My grandfather never returned to Vietnam because, I believe, the idea was simply too frightening. He left as a teenager to settle in France on his own. Leaving everything he knew must have been as terrifying as the thought of going back. I know he left Vietnam through Saigon, and when I arrived at Tân Sơn Nhất International Airport, I felt like I was bringing him back with me, which stirred up intense emotions. In some way, I understood him—even if the country had changed completely. It was conflicting, and at times I felt like I didn’t belong there, but it felt necessary to pay tribute to him.

Linh: What first sparked your interest in art? When did it begin, and what made you want to become an artist?

Prune: When I was young, I used to draw a lot. I was fascinated by how living things work, and one of my favorite books was VU, a visual dictionary published by Gallimard Jeunesse. Especially the chapters on the body’s mechanisms, which detailed how life is organized at the biological level and all the invisible processes taking place inside us. That fascination stayed with me through high school, where I studied biology with a visual arts option, along with photography classes. I then studied visual arts at the University of Mirail in Toulouse and at the Birmingham Institute of Art and Design in the UK, where I realized that photography was a key element in my installation work. Later, I attended the École Nationale Supérieure de la Photographie in Arles to further explore how to integrate images into my practice. What interested me wasn’t so much the technical side of photography, but how the image could be a tool to understand and transform the world.

Linh: Were there any artists who inspired your work at that time?

Prune: I have been—and still am—interested in artists like Bogdan Smith, Julien Creuset, Kapwani Kiwanga, Kent Monkman, and Zineb Sedira, who take a political, poetic, or anthropological approach to art, addressing themes like cultural identity, the deconstruction of memory, history, and imagery.

Linh: Could you tell us about your recent project Otherworld Communication (2020–) and its place in your practice?

Prune: My work originates from anecdotal fragments—heard or experienced. Increasingly, my subjects turn outward, seeking what connects people. With Otherworld Communication, I wanted to transform my relationship with image-making, sensing the closure of a major chapter in my three most recent projects—even as their disappearance was also staged in a certain way. A new phase of my practice began when I had a studio for the first time at La Friche La Belle de Mai (2020), followed by Artagon (2021–22) in Marseille. I could finally give form to larger three-dimensional sculptures and became more daring and experimental in shaping my forms.

Linh: “Communication with the other world” refers to the spiritual realm and very popular practices in Vietnam. Can you explain where that comes from? Were you inspired by your childhood memories in France or from your trip to Vietnam?

Prune: When I went to Vietnam for a residency at La Villa Saïgon in early 2020, I was searching for what connected me to my grandparents. I stumbled across a shop specializing in offerings for the dead. My grandfather had set up an altar for our ancestors, with paper offerings, fruit, cooked dishes, and alcohol. When he passed away in 2010, we burned fake money for him. Hell Money, or Joss paper—the money of the underworld—is easily found in Asian supermarkets in France. Communication with the other world resurfaced when my grandmother died after my 2020 residency. I asked myself how to cope with the loss of a person when communication is severed. Bringing offerings back from Vietnam reminded me how we handled my grandfather’s passing back then.

I wanted to replicate that process for my grandmother, which inspired me to reconstruct and relocate that tradition—for myself and others—tracing its evolution across both hemispheres. What really struck me was the variety of paper objects in Vietnam that don't exist in France or the U.S. In Burning Money, Fred Blake examines the sociological and historical aspects of these objects and the origins of this tradition. Joss paper was brought to Vietnam through Chinese colonization. From a simple square of paper coated in gold or silver to mimic underworld currency, it transformed into Chinese banknotes or U.S. dollar bills—the history of colonization and socialization adapted the custom to reflect contemporary forms of wealth. The Western form likely relates to the assets diasporas carried across the world. There, it seems frozen in time; in Vietnam, it evolved to another level!

“Today, offerings can include other valuable items like Louis Vuitton handbags, Nike clothing, Honda scooters, or Apple devices—all made of paper and reflecting capitalist extravagance.”

I spoke with friends in Vietnam about the idea that if you believe an object disappears here by fire to rematerialize in the other world, sending a smartphone immediately raises the question: can spirits use it? It therefore also invites the hope of a response from them. This gave me the idea for a fictional enterprise—a hybrid between a communication agency, an administrative office, and a psychic reception center linking our world to the other. It’s no longer about which material objects would please our ancestors beyond death, but about finding new ways to connect with them on a different level; caring for those invisible presences—and ourselves—by burning paper representations of technology. This bridging of worlds echoes Philip K. Dick’s novel Ubik, where it's possible to maintain body and mind in a half-life state in moratoriums—and continue conversations until transmission fully fades. In Otherworld Communication, it’s also an uncertain, ongoing process touching on sociology and psychology—raising questions rather than giving answers. I'm trying to highlight our Western inability to treat grief as a peaceful transition.

Linh: In our Buddhist culture—or as a philosophical movement—we speak of detachment. We let go of the remnants of war and the material world to focus on inner self and inner peace. I find it very ironic that this practice sends material objects to ancestors. Looking at your work, some forms and elements in the installations of Otherworld Communication intrigue me. Where did you draw inspiration for the motifs used? I see historical references, but also spatial and futuristic influences. I often feel that Europe’s depiction of Asia, "orientalism," and other cultures can become exotically clichéd. Vietnamese orientalism is always "zen" or represented by Vietnamese women in Áo dài. Moreover, through social networks, the digital world of younger generations is developing a new type of communication accompanied by certain visual representations. Can you speak to this?

Prune: The performances and installations are conceived like film scenes. Recently, I watched the fantasy film The Portable Door by Jeffrey Walker, where a young man works for a mysterious magic company in London. There's a brief but fascinating scene: the protagonist walks through a dark neon tunnel leading to the "Bank of the Dead," whose slogan is “you are our investment.” There, an older Asian woman with pointed ears plays the teller—“teller 42”—behind a glass booth, stamping documents she approves or rejects from her extensive shelf of stamps. I love that strange, distant energy, which I try to convey through Otherworld Communication. The scenography—with waving purple satin curtains and cool lighting—immerses the audience and invites them into the scenario I propose.

Films like eXistenZ, Ghost, The Wailing, The Sixth Sense, and Total Recall have also nourished me. The 2012 version of Total Recall by Len Wiseman focuses on a company called Rekall—which, by the way, is run by “Asian‑labeled” people—whose goal is to invent memories of events you've never lived. One of the operators says, “Tell us your fantasy, we’ll restore your memory,” with a visible “tribal” tattoo on their neck—a motif meant to be questioned in light of non-Eurocentric symbol histories.

In the film Ghost, Jerry Zucker created a highly stereotyped setting for Whoopi Goldberg, a medium able to communicate with the dead. Her consultation room is decorated with beaded curtains on the windows, floral wallpaper, candles, and a crystal ball. Yet she represents a powerful female figure of transition and transmission able to bridge worlds, send messages, even embody the absent person—which is very inspiring. In these films, technology is depicted as existing between physical and immaterial states—screens become touchable, transparent projections or are directly implanted in the body. Otherwise, the body itself is literally the device linking worlds or entities.

“The communicators—whether stereotypical seers or more futuristic users of technology—are often depicted as people of color. They caricature the origins of ancient mystical magic as though it always comes from some exotic elsewhere.”

When I reflected on the purpose of the messages collected in Otherworld Communication, I found it important that the archives be a physical, moving experience. I wanted sculptures that display messages to exist in space—not just hang on walls—even if they were videos. I imagined a screen showing the client’s offerings triggered by fire, in an advertisement‑style recording. The screen rests on a giant black wooden stand of strange shape. In a way, the installation references the ancestor altar. To that effect, I recreated a plate-holder at a much larger scale. I was inspired by the objects I found when clearing my grandmother’s house after her death. She had many cherished items in cabinets, most referencing Vietnam, which had accompanied me unconsciously through childhood. I’m deeply attached to objects and the feelings they carry, as if they hold magical powers. Rather than focusing on these precious objects, what caught my attention was this ordinary, cheap thing: the plate-holder, whose purpose was to elevate the object it supports. The shape of my sculptures also references the stylized flames found in Buddhist representations of the afterlife. This specific flame style is rooted in spirituality and omnipresent in temple architecture and decoration. Fire often represents trials, consequences, and judgment’s verdicts in the afterlife journey to heaven or hell. Nowadays, this stylization of flame in the West refers to 2000s fashion, car tuning, and underground culture. I truly believe the meaning has been lost and needs recovery. It’s important to realize these forms existed long before their appropriation in other cultures. That’s why the screen’s stand is inspired by them—but also monstrous: it went from a unnoticed object to a giant, space-occupying entity, with forms one can interpret as claws, roots, someone's shadow, or a hybrid mythical creature.

Linh: I’m not an expert in religion or spirituality, and I don’t know if you’ve experienced this yourself, but I think in Vietnam and other Asian cultures, there are many nuances when it comes to ghosts. There are ancestor ghosts: those for whom we make altars and whom we celebrate every year on the Day of the Dead with large ceremonies and funerals. There are ghosts of haunted places, where you can feel energies emanating from within. There are ghosts whose souls can enter someone’s body during rituals to express themselves. In Vietnamese culture, the most important celebration is the Lunar New Year, but the second most important is the new moon of July, also called the Hungry Ghost Month. During this month, souls trying to reincarnate into a new life are present in the real world, and we engage in charity, prayers, and offerings to help free their souls. I don’t know if Vietnamese communities celebrate this holiday in France? There are so many other variations of ghosts in the different Vietnamese religions and ethnicities, each with their own way of seeing things. With your upbringing in a Western world oriented towards science, spirituality or religion can sometimes become simple superstitions, whereas in Asia, there is more stigma around them. You mentioned that in your childhood, your grandfather told you ghost stories. What were they about? Did you encounter any during your stay in Vietnam?

Prune: The Lunar New Year is celebrated in all Vietnamese communities in France, but I don’t think the Hungry Ghost Month is observed everywhere, at least not in my family. My grandfather Binh was a quiet man. He cooked Vietnamese dishes and told us ghost stories. That’s how I got to see Vietnam through his eyes. His favorite story was about his journey to school when he lived in Kim Son province, in northeastern Vietnam. As a child, he was convinced that ghosts scared him by shaking the bamboo stalks in the fields lining the road. I wonder if there is also some superstition about ancestors playing tricks on the living if they are unhappy. In this sense, the domestic altar could be seen as a kind of transfer and appeasement portal. I don’t remember my grandfather ever explaining exactly what we were supposed to do with it, apart from the obvious offerings of food and drinks, always fresh and neatly arranged. The transmission of Buddhism on my father’s side was therefore brief. On my mother’s side, we had a Catholic education, and navigating between the two was confusing as a child. It’s true that I feel faith is tied to religion in France, whereas the roots of Vietnamese beliefs come from somewhere else. For example, for me, ancestor worship is seen as a philosophy or a transgenerational tradition detached from religious belief. It’s about mutual attention related to daily thoughts or simple gestures honoring those who came before us.

In my family in the United States, stories from the past were kept secret, while spirituality was very important and openly passed on. We went to the Buddhist temple, meditated, and often talked about reincarnation. We discussed the role of the afterlife, ways to reach it, and how to soothe spirits. I still have a lot to learn about this. When I was in Vietnam, a friend of mine was celebrating the anniversary of her father’s death and invited me to share the moment with her family. It was the first time I saw how people celebrate those who are no longer physically present and how that absence can also be a joyful moment. Early in the morning, we went to the market to gather everything needed for the ceremony. We sang in front of his portrait on the family altar, then burned offerings in front of their house before sharing a homemade lunch.

I was recently recommended to watch Island of the Hungry Ghosts on this subject, a 2018 docu-fiction directed by Gabrielle Brady. The story takes place on Christmas Island, where we follow Poh Lin Lee, a trauma therapist, balancing her work at a detention center with asylum seekers and her family life. A parallel is drawn with the migration of red crabs, which are so prolific they seem to cover the entire ground of the island. There, the ghosts of those who lost their lives cannot reincarnate in peace. People from the Chinese immigrant community and their descendants take care of these wandering souls by organizing rituals during which they burn offerings for those who didn’t receive a proper burial. A connection is also made between the efforts to protect the crustaceans and how Poh Lin tries to help her patients despite the burdens of political bureaucracy. I was deeply moved by how Poh Lin explains to her daughters that the offerings are necessary to “feed” the invisible presences stuck between this world and the next. The role she plays in bridging contexts and social realities to pass on messages orally is very powerful.

Linh: The Otherworld Communication project has been exhibited and performed in France. Can you tell us about your interactions with the audience? You also collect data from people who participate in the project. How many people have participated so far? The performance is individual, which means you must engage a lot with each person, right?

Prune: So far, I have performed three times in France: during a night of events at the Festival Parallèle at Artagon Marseille, at Reflet Machine in Paris, and at Le Magasin CNAC in Grenoble as part of the exhibition La Position de l’Amour. At each iteration, the operator receives clients for several hours in a row, and appointments follow one another. About 80 clients have experienced Otherworld Communication since its creation.

The performance is an individual appointment lasting between 10 and 15 minutes. I embody an operator of the company Otherworld Communication who works with clients wanting to start communication with a deceased loved one. Clients first settle in a waiting room where they must fill out a form asking: “If you could send a text message to someone who has passed into the beyond, what would you say to them?” Then the client is welcomed into the operator’s office, where I type, print, cut, fold, and assemble pieces so the offering takes the exact shape of a futuristic 3D smartphone inscribed with the message. During this process, the client and the operator have a conversation only they know about. The client leaves with the object and later activates it by burning it at the right moment — for example, on an anniversary or in a meaningful place. At the end of the performance, the operator offers a contract serving as a disclosure agreement allowing clients to accept or refuse the archiving of their message in Otherworld Communication’s anonymous database. This then allows the company to reconstruct offerings that will be reactivated in future videos and presented as installations at exhibitions. This cycle of alternating performance and video archiving allows the project to grow over time.

The emotions I receive from the audience are intense. Some people leave very light messages that just experiment with the performance object. Some messages are very poetic or enigmatic and only make sense to the client. During the making stage, we discuss how losing a loved one affects us and how we cope with it in a Western context. Many people tell me they have never addressed these topics before, which proves there is a real need for such a space and experience. I receive many positive reactions from participants, and the shared secrets are very precious. I would love to bring this performance elsewhere, to other countries, as I’m curious about the interactions it would spark.

Linh: Your work has a lot to do with memory. I’m curious if there’s something in your memory related to what you knew or what people told you about Vietnam? For example, you can see many colonial traces in Vietnam in French architecture or even food, like the baguette bread. And of course, there are many traces of colonial history that persist in French society. How do you navigate from one space to another? Can you tell us about this movement in the sense of “displacement”?

Prune: The first time I went to Vietnam was in 2019, and I arrived in Saigon. What struck me was that everything was overwhelming in intensity, constantly moving, and the smells were so strong yet strangely familiar. I had a panic attack the first few days. Many smells reminded me of my grandparents’ restaurant in southern France. The first thing I ate was a Bánh mì, a Vietnamese sandwich made with French baguette or pâté. Of course, there’s also Phở, which comes from the French dish Pot-au-feu. Many French dishes have been reappropriated but still carry the weight of colonial history. Saigon itself is dotted with colonial influences that have fully integrated into Vietnamese culture. The genetic effects of exposure to Agent Orange on the human body during the American war is another persistent consequence of this colonial past. At the War Museum, young adults suffering deformities caused by this poison play music for foreign visitors. That chilled me to the bone.

“At school in France, we are taught almost nothing about what really happened in those colonies. With the silence of older generations, I felt cut off from reality, and being directly confronted with this history deeply affected me.”

During that first trip, I also tried to find my grandfather’s birthplace northeast of Hanoi, but I failed. Crossing the countryside and its bamboo-lined roads, all I saw were the ghosts my grandfather had told me about. I felt like a tourist everywhere, unable to speak the necessary language. Still, I met some elderly people on the street or restaurant owners who spoke to me in French, showing yet another aspect of colonialism through language.

The second time I went to Vietnam was in 2020, as part of the Villa Saigon residency program run by the French Institute. I arrived in March, just as the Covid crisis began to have global repercussions. Being locked down there was emotionally hard to endure, but the other residents, who were mostly Vietnamese, helped me navigate this difficult moment. We lived in a large house in the district 2 of Ho Chi Minh City. I spent long hours walking around the city, riding motorbikes through its streets, and observing daily life. I also met contemporary artists with whom I talked about their practices and cultural influences.

This first direct experience of Vietnam allowed me to see the country beyond my family stories and postcolonial scars. It gave me the opportunity to start building a more personal relationship to this place, which continues to evolve.

Linh: Thank you very much for your time and for sharing your experience with us.