Prune Phi
Julie Crenn 2022 (FR) link ⤷
 ©Prune Phi.png)
Otherworld Communication, performance view, Confessions Nocturnes, Artagon Marseille, Festival Parallèle (2021) ©Prune Phi
« Depuis l’adolescence, Prune Phi porte un intérêt important pour les sciences et la photographie. Par la biologie, elle tente de comprendre les mécanismes de fonctionnement des êtres et des choses qui l’entourent. Après un master en arts plastiques à Toulouse, elle étudie l’image à Arles. Là, elle comprend qu’elle ne souhaite pas se contraindre à la photographie au sens le plus classique de son utilisation. Elle développe différents projets où l’image est envisagée sous différentes formes, matérialités et formats. Les questions mémorielles sont placées au cœur de sa recherche. Française d’origine vietnamienne, Prune Phi part à la recherche d’une histoire familiale dont elle ne connait pas le récit. En 2017, elle s’installe cinq mois chez des parents de son grand-père, des inconnu.es qui la considèrent comme une étrangère : une Française. Elle ne parle pas le vietnamien, mais désire en connaître plus sur son histoire, leur histoire. L’artiste explore les quartiers vietnamiens, la construction d’une communauté; ses codes, ses traditions, ses images, sa nourriture, ses croyances. Elle récolte des images extraites d’affiches, de magazines et autres documents glanés. La transmission s’opère autrement, avec une distance liés aux images récupérées. Une fois les informations digérées, elle réalise une installation (Long Distance Call) qui réunit des collages, une vidéo et d’autres éléments traitant de la fragmentation des mémoires, de la reconstitution des souvenirs. L’artiste pense d’ailleurs ses installations comme des souvenirs, qui, au fil du temps, adoptent de nouvelles formes, de nouveaux états. Les œuvres se transforment, se réduisent et s’augmentent, de la même manière que nos souvenirs peuvent s’apparenter à des fictions, des mensonges et des récits suivants.
Ses œuvres reposent aussi sur ses propres souvenirs : brûler des objets en papier avec son grand-père pour les offrir aux personnes disparues. Ielles brûlent des fac-similés de billets de banque, des objets du quotidien, pour perpétuer une tradition chinoise qui s’est déplacée dans le temps et l’espace géographique au fil des guerres. Une tradition adaptée au Vietnam, puis réadaptée aux États-Unis par la diaspora vietnamienne après la guerre. Prune Phi est étonnée de voir des personnes brûler des tablettes, des smartphones et des ordinateurs en papier. Elle s’interroge sur les modes de communication avec l’au-delà (ces objets sont-ils brûlés pour que les défunt.es puisent échanger entre elleux ? Ou bien pour créer des ponts entre le monde des vivant.es et celui des mort.es ?). Elle décide alors de créer une agence de communication avec l’au-delà (Otherworlds Communication) qui se déploie sous la forme de performances – où une opératrice enregistre des messages personnifiés qui seront transmis dans l’au-delà -, mais aussi d’une banque de données de ces messages et d’objets en papier. L’artiste fouille par là les évolutions et les perpétuelles transformations non seulement de traditions culturelles, mais aussi du concept même de l’identité et des mémoires diasporiques. L’amnésie d’une communauté traumatisée devient alors la matière de sa recherche aussi plastique que politique. »
“Since adolescence, Prune Phi has harbored a profound fascination with the sciences and photography. Through biology, she seeks to unravel the intricate mechanisms governing the beings and phenomena surrounding her. After completing a master’s degree in fine arts in Toulouse, she pursued studies in image-making in Arles. It was there that she discerned her reluctance to confine herself to photography in its most conventional usage. Instead, she cultivates diverse projects in which the image is contemplated through multiple modalities, materialities, and formats. The dynamics of memory lie at the core of her inquiry. A French artist of Vietnamese descent, Prune Phi embarked on a quest to uncover a family history whose narrative remains elusive to her. In 2017, she took up residence for five months with distant relatives of her grandfather—strangers who regarded her as an outsider: a Frenchwoman. Though she did not speak Vietnamese, she was eager to delve deeper into her story, their story. The artist immersed herself in Vietnamese enclaves, tracing the contours of community-building; its codes, customs, imagery, cuisine, and beliefs. She amassed images extracted from posters, magazines, and other found materials. Transmission thus operated through a mediated distance, shaped by these recovered images. Upon assimilating these fragments, she conceived an installation (Long Distance Call) that synthesizes collages, video, and other elements reflecting the fragmentation of memory and the reconstruction of recollection. The artist conceives her installations as memories themselves, evolving over time to assume new forms and states. The works metamorphose, contract, and expand, mirroring the way our memories can be akin to fictions, fabrications, and successive narratives.
Her work is also deeply rooted in personal memory: burning paper replicas of objects alongside her grandfather to offer them to departed loved ones. They ignite facsimiles of banknotes and quotidian items, perpetuating a Chinese tradition that has traversed temporal and geographical dislocations across wars. A tradition adapted in Vietnam, then recontextualized by the Vietnamese diaspora in the United States post-war. Prune Phi is struck by the sight of paper tablets, smartphones, and laptops being set aflame. She contemplates the modes of communication with the beyond (are these objects incinerated to enable the deceased to commune among themselves? Or to forge bridges between the realms of the living and the dead?). Consequently, she established a communication agency with the beyond (Otherworlds Communication), manifested through performative acts — wherein an operator records personalized messages destined for the afterlife — as well as a repository of these messages and paper objects. Through this practice, the artist probes not only the evolutions and ceaseless transformations of cultural traditions but also the very notion of identity and diasporic memory. The amnesia haunting a traumatized community becomes the very substrate of her research, which is as much aesthetic as it is political.”